Lectures

Les pratiques de lecture à l’école
Le cursus scolaire, en France, s’organise en cycles jusqu’à la fin du collège : cycle 1 (les 3 classes de l’école maternelle), cycle 2 (CP, CE1 et CE2), cycle 3 (CM1, CM2, 6e), cycle 4 (5e, 4e, 3e). Il se constitue successivement du premier degré ou enseignement primaire (de la maternelle au CM2) et du second degré ou enseignement secondaire (collège et lycée).
L’école est un lieu d’apprentissage : la pratique de lecture, quelle qu’elle soit, relève donc d’une intention didactique, qui s’appuie sur des programmes, évolutifs, et qui se traduit par des formes diverses.

Lectures en maternelle
En maternelle, les objectifs sont d’entrer dans une première culture littéraire commune, se construire peu à peu un comportement de lecteur, se familiariser avec les usages du livre, se construire des pratiques de lecture, individuelles et collectives ; s’approprier les formes écrites du langage ; comprendre les récits oraux et écrits, objectif majeur de l’école maternelle. Y sont prescrits trois types de lecture complémentaires.

Les lectures répertoires (lecture offerte ou lecture-cadeau) : quotidiennes, brèves et ritualisées, elles ont une visée culturelle.

Les lectures à compréhension autonome, fréquentes, sont des lectures immédiatement suivies de questions de compréhension, qui permettent de vérifier la compréhension et d’échanger sur le texte lu.

Parallèlement, les lectures enseignées, régulières, travaillées en petits groupes d’enfants, font l’objet de séquences (3 à 5 séances) spécifiques consacrées à la compréhension.

Lectures à l’école élémentaire
Les mêmes objectifs se poursuivent au cycle 2. Les lectures qualifiées d’offertes, lues par l’enseignant·e, demeurent. La compréhension se travaille de plus en plus sur le texte écrit, et aboutit au rappel de récit dans lequel l’élève formule avec ses mots sa représentation de l’histoire et rend compte de l’identification des personnages, de l’organisation du récit, des relations spatiales, temporelles et causales des évènements.

À partir du CE1, si la compréhension se travaille sur des textes courts, fondés sur l’implicite, le plaisir de lire et la culture littéraire se construisent par des textes longs lus par l’élève, des textes lus par l’enseignant·e, et des lectures personnelles faisant l’objet d’échanges.

Le cycle 3 développe la distinction entre le travail de compréhension, qui n’est pas spécifique au texte littéraire, portant en particulier sur l’implicite, la compréhension propre au récit littéraire (les personnages, le cadre spatio-temporel…) et la lecture dite littéraire, qui laisse une place à l’interprétation.

Mais le rôle attribué à la littérature par le Ministère s’élargit : au-delà de la culture littéraire et artistique qu’ils construisent, structurée autour de grandes entrées thématiques, les textes littéraires participent à la construction de soi. La littérature a ainsi dès le cycle 3 des enjeux de formation personnelle, fortement affirmés au cycle 4.

La lecture dans le second degré
L’enseignement du français au cycle 4 concernant la littérature privilégie la constitution d’une culture littéraire et artistique commune, comprise comme dialogue entre textes patrimoniaux, contemporains, francophones, de langues anciennes et de langues étrangères ou régionales, avec les autres créations artistiques, notamment les images.

Après l’explication de texte, puis la lecture méthodique (à partir de 1987), la lecture analytique (à partir des années 2000) était devenue la démarche privilégiée pour aborder les textes littéraires. Lecture attentive et réfléchie, elle permet de s’appuyer sur les réactions spontanées de la classe, pour aller vers une interprétation raisonnée. Elle vise à interroger sur les effets produits par les textes, sur leur sens, leur construction et leur écriture. Les démarches d’analyse critique et le vocabulaire technique ne constituent pas des objets d’étude en eux-mêmes.

Mais cette terminologie disparait des derniers programmes de l’enseignement secondaire (2015 pour le collège, 2019 pour le lycée) : la lecture analytique a en effet été accusée d’être trop scolaire, techniciste et dévolue uniquement à codifier une manière de lire les textes, qui désengage les élèves.

La volonté de recréer une relation réelle entre les élèves et le texte littéraire va de pair avec la prise en compte de l’évolution des travaux sur la littérature à l’école, orientée depuis quelques années vers le « sujet lecteur », ce qui revient à accorder une place essentielle à l’appropriation personnelle de l’œuvre littéraire. Sont en effet préconisés discussions, débats, carnet d’écriture, cercles de lectures, mises en voix, toutes pratiques d’échange et de partage propices à l’interprétation et à l’expression personnelle, dans l’objectif de pratiquer une « lecture littéraire » (programmes de seconde, 2019), qui comprise comme l’équilibre à trouver entre la pluralité des interprétations possibles d’un texte et les droits du texte qui les circonscrivent.

Les compétences évaluées lors des examens ont elles aussi évolué.
L’preuve de français du DNB (diplôme national du brevet), à la fin de collège, évalue la compréhension et les compétences d’interprétation d’un texte littéraire par les élèves.
Les épreuves anticipées du bac de français dans les filières générale et technologique (mise en œuvre en 2021) proposent à l’écrit un commentaire ou une dissertation, et une explication à l’oral. Sont évaluées la culture littéraire et personnelle, la capacité à construire une réflexion en s’appuyant sur différents textes, l’aptitude à lire, analyser et interpréter les textes, ce qui était bien aussi l’objet de la lecture analytique.

Tendances et tensions
Tout d’abord, les pratiques de lecture à l’école s’inscrivent dans un continuum, de l’école maternelle au lycée, continuum qui insiste tant sur le nécessaire engagement personnel dans la lecture, que sur la construction d’une culture littéraire commune. Celle-ci va de pair avec la lecture d’œuvres intégrales, via la lecture cursive. Il s’agit d’une lecture autonome et personnelle, qui correspond à la lecture usuelle de chacun·e d’entre nous. Le degré d’autonomie laissé au·à la lecteur·rice peut varier : accompagnée de consignes ou non, conçue comme préparatoire ou comme complémentaire, ou non, éventuellement dans le cadre de la participation à un concours (prix des Incorruptibles, prix Goncourt des lycéens…) ou à un défi lecture inter-classes ou inter-établissements.
À l’école primaire, les lectures cursives sont désignées comme lectures personnelles ou lectures de plaisir, choisies en fonction des gouts des élèves à partir du moment où il·elle·s savent lire par eux·elles-mêmes (cycle 2).

Comment concilier, à l’école, plaisir de lire et apprentissage, lectures personnelles et lectures scolaires ? Quelle place accorder au sujet lecteur, dès lors qu’il s’agit bien d’enseigner et d’évaluer ?
Cette section accueillera des contributions qui permettront d’observer et/ou d’interroger ces tendances et ces tensions.