Lectures

Adapter une œuvre littéraire consiste à la transposer dans un média différent (bande dessinée, cinéma, série télévisée, jeu vidéo….) et donc, dans un langage différent, qui a ses propres codes et sa propre poétique. Si les grandes catégories identifiées par Geoffery Wagner dans The Novel and the cinema (1975) se révèlent utiles pour aborder les problématiques de l’adaptation – l’analogie, qui utilise le roman comme point de départ ; la transposition, qui s’applique à rester au plus près de l’œuvre originale ; et le commentaire, qui modifie le roman dans ses détails ou dans sa structure ; il importe sans doute plus encore de prendre acte de l’irréductibilité des adaptations au livre pour apprécier et mesurer leurs spécificités esthétiques et sémantiques, qui peuvent, en retour, enrichir la poétique du texte littéraire.

La novélisation (en anglais novelization, de novel : roman) signe un autre pacte entre la littérature et les autres arts narratifs. Elle adapte à l’écrit une histoire développée à l’origine dans un autre média. Ce phénomène apparait dès le début du XXe siècle lorsque le cinéma se démocratise. Selon Ferrier (2006) les novélisations « revendiquent 3 critères souvent présentés comme incompatibles avec une analyse littéraire » : elles assument leur cœur de cible, leur logique commerciale, leur caractère de produit dérivé d’un produit audiovisuel. Cependant ces textes, émergeant particulièrement dans le secteur jeunesse , nous invitent à reconsidérer notre rapport à la littérature : « Face au danger d’appauvrissement lié au « littérairement correct », la confrontation avec les novélisations interroge de façon stimulante notre appréhension de la Littérature, que nous avons parfois tendance à penser, à la manière de la langue, comme une « monumentalité [qui] ne tolère pas d’être vivifiée par quelque nouveauté » selon l’expression de George Steiner. » (Ferrier, op. cit : 11)

Ainsi, au-delà du concept d’intertextualité, depuis longtemps appliqué à l’intermédialité, et qui montre les liens tissés entre elles par des œuvres appartenant à des supports différents, s’est développé celui de transmédialité pour décrire le phénomène qui apparait lorsqu’une fiction s’élabore simultanément dans plusieurs médias, au point qu’il n’est pas possible de distinguer lequel est premier, lequel est second. « Les caractéristiques d’univers comme ceux des Pokemon ou comme le « multivers » conçu au fil des décennies par la société Marvel ne peuvent être associées à une œuvre précise, ni même à un ensemble d’œuvres princeps (comme c’était le cas pour Star Wars), mais se déterminent par accumulation et déclinaisons d’œuvres sur des supports différents ». (Letourneux, 2011)

Les possibilités apportées par ces nouvelles formes de narration et leurs supports de lecture renouvèlent-elles la perception des œuvres et prédisposent-elles à de nouvelles formes de didactisation ? On peut s’interroger sur la « marchandisation » et l’instrumentalisation des contenus : à côté du livre unique, œuvre qui a sa propre fin, apparaissent des offres commerciales variées. L’immédiateté prime-t-elle au détriment de l’apprentissage de la construction du sens et de l’interprétation ?

« On a tendance à opposer la culture légitime, prodiguée par le système scolaire, et les valeurs qui l’accompagnent (érudition, morale de l’effort, profondeur, méritocratie, progression dans la connaissance) à celle des médias de masse (décryptage immédiat, pensée elliptique, pragmatisme, émotions fugitives, dérision). » (Dagnaud, 2006). Or, ne peut-on voir autrement ? Cette diversité d’usages met en lumière la complémentarité de ces supports, laquelle peut susciter, en elle-même, les discussions interprétatives et les lectures plurielles. On peut alors supposer que l’ensemble de ces adaptations facilite le passage du spectacle à la lecture, et inversement. Ce faisant, ces nouvelles productions sont susceptibles de renouveler les genres et de susciter l’adhésion des plus jeunes.