Connaitre les publics

La littérature de jeunesse se définit par son adresse à un lectorat spécifique. Lectorat… ou lectorats : car il y a finalement peu de points communs entre un·e adolescent·e amateur·rice de fantasy et un bébé qui joue avec un livre de bain. La segmentation des publics apparait alors nécessaire pour adapter l’offre aux niveaux de lecture, aux centres d’intérêt, aux connaissances sur la littérature et sur le monde, aux capacités métacognitives… tout ceci ne se résumant pas à des tranches d’âge, et pouvant conduire à fustiger tel lecteur de 12 ans, savourant en cachette un ouvrage pour les 8-10 ans.

Par ailleurs, la segmentation peut également être considérée comme une approche marketing qui reposerait sur une conception marchande de l’objet littéraire. Or les nouvelles pratiques culturelles tendent à effacer ou estomper certaines barrières. Il n’est qu’à voir les quadragénaires arpenter les nouveaux rayons young adult, ou la diversité des lecteur·rice·s de la série Harry Potter qui ont bien, tout comme autrefois les lecteur·rice·s de Tintin ou d’Astérix, de 7 à 77 ans. Quant aux auteur·rice·s, si certain·e·s ciblent, dès la conception, l’âge de leur public, d’autres avouent que le choix de la collection dans laquelle leur œuvre est publiée revient à leur éditeur·rice.

Les changements d’adresse, d’une édition à l’autre, d’un pays à l’autre, ajoutent au flou de la notion et mettent en évidence des phénomènes nationaux de censure : certains thèmes, comme le sexe ou la violence, certains choix stylistiques, comme le recours à un vocabulaire grossier, font l’objet de jugements différents selon les pays. Il apparait donc important de questionner la légitimité de la classification des œuvres pour la jeunesse par tranches d’âge, ainsi que ses critères et ses fonctions.