Définir des objectifs

La question n’est pas propre à la littérature de jeunesse, mais elle se pose néanmoins de façon particulière dans ce champ, indissociable des « intentions éducatives qui ont présidé à son émergence et à son développement » (Christiane Connan-Pintado).

La première question qui se pose est celle de la nature des savoirs transmis. Il s’agit bien sûr, dès l’origine, de savoirs « disciplinaires » (les sciences, l’histoire, la géographie etc.) et de « savoir-être », mais également de savoirs touchant les grandes questions sociétales du présent, comme l’indique par exemple, dès 1832, l’éditorial du premier numéro du Journal des enfants.

La seconde interrogation porte sur l’insertion des savoirs dans la fiction. Christian Chelebourg et Francis Marcoin distinguent deux procédés : la « narrativisation de l’information » et la « narration informée ». Dans le premier cas, il s’agit de mettre un savoir en scène à la faveur d’une micro-fiction (par exemple, des personnages du récit cadre discutent de mythes grecs). L’objectif didactique est premier. Dans le second cas, plus efficace, c’est la narration elle-même qui implique la délivrance de savoirs, comme chez Jules Verne par exemple. Cependant, comme en littérature générale, à partir du moment où le savoir est mis sur le même plan que des énoncés fictionnels, son statut se modifie. De fait, chez Jules Verne, d’une part, les savoirs mis en intrigue ne sont pas toujours rigoureux ; d’autre part, par-delà la visée didactique, ils ont aussi des fonctions narratives et poétiques (les listes de noms rares d’animaux marins dans Vingt-mille lieues sous les mers par exemple). Dès lors, plutôt (ou du moins, autant) qu’elle ne transmet des savoirs la littérature (littérature de jeunesse comprise) configure des discours sur le savoir. Cette question vaut d’être posée aux corpus de littérature de jeunesse.